François Calay

Accueillir sa souffrance

calayOn utilise le mot 'souffrance', mais parfois aussi le mot 'douleur'.
Y a-t-il une distinction essentielle entre les deux ?
Ma première réaction, c'est de penser que la douleur est physique et que la souffrance est morale.

La meilleure définition que j'ai trouvée est celle-ci : La douleur est ce qui fait dire "j’ai mal", la souffrance est ce qui fait dire "je suis mal".
Je ne m'étendrai pas sur ce sujet. Je choisis délibérément d'utiliser dans cette page le mot 'souffrance'.

Quand j’éprouve de la souffrance, que celle-ci soit d’origine physique, psychologique, affective ou spirituelle, ce qui souffre ce n’est pas mon corps, ni mon esprit, ni mon coeur, ni ma psyché considérés séparément .
En réalité ni la douleur ni la souffrance n’existent isolément, ce sont là des abstractions ...

mais ... "ce(lui)" qui souffre, c’est moi.

Elle est donc essentiellement liée à mon ressenti. Je suis seul avec ma souffrance, seul à la connaître, seul à la porter, seul à la supporter.
Personne ne peut s'imaginer combien je souffre, ni souffrir à ma place. Ne s'agit-il pas d'un des mystères de l'âme humaine ?

Le drame, c'est qu'en elle-même la souffrance n’a pas de sens. Elle a uniquement le sens que je lui donne dans ma façon de la vivre.

Un des sens de la souffrance, serait-ce de la traverser ?
Ne serait-ce pas aussi la souffrance qui casse mon orgueil et me rappelle que je ne suis pas invincible ?
Dans certaines situations, n'est-elle pas indispensable, n'est-elle pas moteur d'humilité ?

Lorsque je souffre, deux possibilités s'offrent à moi :
- soit je me laisse écraser et même détruire par cette souffrance,
- soit je m’en sers comme tremplin pour passer à une nouvelle étape de croissance, physique, psychologique, affective ou spirituelle.

L’étymologie du mot "souffrance" est d'ailleurs très intéressante :
le mot souffrance vient de deux mots latins : le préfixe "sub" qui signifie "en dessous" et le verbe "ferre", qui signifie "porter".
Le mot représente donc l’image d’un support, qui porte tout ce qui se trouve dessus.

Une chose importante, c'est d'accepter et d'accueillir ma souffrance (ne pas la nier ni vouloir la chasser), car c'est cela qui me donne le droit d'être soulagé.
Celle-ci peut alors devenir féconde, elle devient sensibilité à la vie, sensibilité aux autres, elle devient compassion.
Aussi curieux que cela paraisse, faire face à ma souffrance la transforme et peut me transformer.

Malheureusement, mon seuil de douleur physique est trop souvent dépassé. Survivre sans douleur est alors ma seule préoccupation.
On peut donc considérer dans ce cas que je suis 'écrasé' par ma souffrance.

Mais si la souffrance reste en-dessous de ce seuil, il peut se passer des choses étonnantes et très belles : je suis alors capable d'avoir un contact, une écoute, une ouverture vers autrui, une véritable compassion pour l'autre ...

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"Si quelqu'un me guérit et me retire mon mal, j'entends aussi qu'il me hisse au niveau de conscience que j'aurais atteint si j'avais moi-même résolu ce que ce mal devait m'apprendre. Sinon, s'il me laisse dans le même état de conscience après m'avoir retiré mon mal, il me vole l'outil de ma croissance que peut être cette maladie."
Y Amar

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