François Calay

L'obsession

brancheUne OBSESSION est un symptôme se traduisant par une idée ou un sentiment qui s'impose à la conscience du sujet qui le ressent comme contraignant et absurde, mais ne parvient pas à le chasser malgré ses efforts.

Les obsessions les plus pénibles sont des pensées récurrentes à l’effet que quelque chose de terrible peut arriver, à soi ou à son entourage, par exemple : "La poignée de porte que j'ai touchée est peut-être sale, cela va me contaminer et je vais contaminer tout le monde autour de moi".
Mais l'obsession peut aussi se poser sur un désir inadapté, par exemple : "Je ne me sens pas bien, j'ai envie de boire, je vais tout envoyer promener".
Sans parler de l'obsession amoureuse, qui vient parfois prendre la place de la relation elle-même et qui n'a rien à voir avec l'amour sain et assumé ...
Ou encore : les obsessions matérielles, en soi peu importantes, mais qui peuvent tout envahir : "la direction de ma voiture tire à droite", ou "mes rétroviseurs ont bougé".
La pensée obsessionnelle est parfois horrifiante, lorsqu'elle concerne un danger ou un malheur susceptible de se produire, par exemple la cancérophobie.

Je pense que ceux qui sont sujet à l'obsession n'ont pas besoin de grandes descriptions : on ne sait que trop bien de quoi on parle ...

Au départ de mon vécu, je définirais ceci : l'obsession, c'est une pensée, une idée, un air musical, une phrase, un rituel, qui me remplit l'esprit ou l'émotion, qui me détache de mon vécu dans l'instant, et qui n'est pas adapté à ce qui se passe au moment même. De surcroît, je ne sais pas combien de temps cela va durer, ni que faire pour m'en débarrasser.
C'est un phénomène qui se fait de manière automatique, et sur lequel je n'ai qu'une seule prise : la possibilité de le minimiser, c'est à dire d'essayer de remplacer une obsession par une autre, moins gênante, ce que j'arrive à faire parfois avec succès.

Par contre, il m'est impossible de supprimer l'obsession. Celle-ci ne disparaît que d'elle-même, uniquement lorsque je n'y pense pas d'ailleurs, et je puis alors vivre des moments de bonheur pur que j'appelle mes "moments de fluidité", ceux dans lesquels je fais corps avec ce que je vis et ce qui m'entoure.
Ces moments ne sont pas fréquents, mais je ne peux pas non plus affirmer que l'état obsessionnel est continu. Il m'est impossible d'auto-analyser cette question, car rien que le fait de penser à l'obsession la fait naître. Je dois être très prudent pour ne pas tomber dans l'obsession de l'obsession ... un système complètement pervers ... qui est le risque auquel je m'expose en rédigeant cette page ...

Internet regorge de sites spécialisés décrivant les troubles obsessionnels-compulsifs, je préfère donc parler dans cette page de mon vécu, plutôt que de relater des tentatives d'explications qu'on peut facilement trouver ailleurs. Par exemple : la manière psychologique de cataloguer trois familles d'obsessions (idéatives, phobiques, impulsives) est sans doute bien intéressante, mais à mon sens très incomplète et peu significative.

On trouve également sur Internet des listes d'obsessions les plus fréquentes. En ce qui me concerne, quasi n'importe quoi peut prendre la forme d'une obsession : si je suis dans un stress ou une souffrance dans le présent, un système automatique d'échappatoire se met en route : penser à quelque chose, me remplir l'esprit, pour pouvoir éviter ce présent difficile ...

Mais l'obsession va souvent de pair avec autre chose : lorsque l'obsession est angoissante, l'être humain met en place un système d'actes répétitifs, qui allègent avec plus ou moins de succès l'anxiété résultante de l'obsession. C'est ce qu'on appelle la COMPULSION.

calayDepuis ma tendre enfance, j'avais une terrible difficulté par rapport à la fermeture : aussi bien pour fermer une enveloppe (il fallait que je la retourne plusieurs fois, que je recolle les bords), que pour fermer la maison, surtout le soir, il me fallait vérifier plusieurs fois chaque porte en revenant sur les lieux, sans parler de la tournure que cela prenait lors des départs en vacances ...
Toutes les fermetures étaient difficiles : fermer un capot de voiture, quitter une chambre d'hôtel, etc. J'étais sujet à ce qu'on désigne comme la "compulsion de fermeture".

Alors bien entendu, j'ai sérieusement cherché à comprendre ce qui, dans ma vie, dans mon enfance, dans mon passé familial, que sais-je ?, avait été mal fermé. Cela m'a permis de réaliser que j'étais sujet à ce qu'on appelle des Troubles Obsessionnels Compulsifs (TOC), et donc qu'il se cachait derrière ces compulsions un comportement obsessionnel dont j'essayais d'atténuer l'angoisse. Cela ne m'étonnait pas et correspondait assez bien à ce que je pressentais ...

Bien sûr, le top du top, c'était d'avoir oublié de fermer un jerrycan d'essence le 21 août 1982. J'aurais pu m'arrêter à cette explication et considérer avoir affaire à un syndrome de stress post traumatique (SSPT) pour le restant de mes jours. Mais j'avais beaucoup de souvenirs antérieurs à mon accident, de difficultés de fermeture. Où en était l'origine ? Il fallait trouver, pour en être libéré ! J'ai même eu recours à l'approche psychanalytique, qui se proclame souvent adaptée à ce type de problèmes.

J'ai trouvé ... par le plus pur "hasard".
Un jour, début 2010, j'ai pris des médicaments qui m'ont donné comme effet secondaire des pertes de mémoire immédiate. A ce moment, mes compulsions de fermeture ont pris une ampleur sans nom : un automatisme en moi me faisait vérifier, revérifier, ... tout, partout.
Alors je me suis posé la question : lorsque je perds la mémoire immédiate, j'ai des compulsions de fermeture, car j'oublie réellement alors de fermer les choses.
Et une autre lecture du problème a surgi : mon problème réel n'est pas un simple traumatisme de fermeture, c'est l'angoisse inconsciente de la perte de la mémoire immédiate. L'obsession sous-jacente était inconsciente, et la compulsion résultante me protégeait !

On est dans une toute autre vision des choses, qui n'a rien à voir avec les grandes explications de Freud lorsqu'il parle de cloaque, de neurotica, de désir impossible, ...

La question qui s'est alors posée est celle-ci : "quels sont les moments où je perds ma mémoire immédiate ?" Et j'ai commencé à m'observer ...
Voici les réponses : je perds totalement ma mémoire immédiate
- par effets secondaires de certains médicaments
- lorsque je suis extrêmement fatigué
- lorsque je suis excessivement stressé

Depuis que j'ai compris cela, tout a changé : mes compulsions de fermeture ont disparu, l'obsession de perte de la mémoire aussi car je sais que cela ne m'arrive qu'en des moments précis ... mais aussi ...

... que le 21 août 1982, lorsque j'ai oublié de fermer ce jerrycan d'essence, j'étais exténué et stressé, j'avais donc à ce moment précis perdu ma mémoire immédiate, et dans ce cas-là j'oublie de fermer les choses ...
J'ai donc compris, 28 ans plus tard, pourquoi j'avais laissé ce jerrycan ouvert, mais par quels détours !

ardnamurchan

Il me reste encore une importante obsession-compulsion pour laquelle je n'ai pas trouvé de solution : la musique dans la tête.
Voici ce qui se passe : je chantonne dans ma tête un air de musique, répétitif, un thème assez court, toujours le même depuis 20 ans au moins, mais qui peut parfois changer, spontanément ou par mon intervention, durant une courte période.

Je ne sais pas si c'est constant, car si j'y porte attention il sera toujours là, mais je crois qu'il ne s'arrête jamais.
La seule manière de l'arrêter est d'écouter de la musique, ne fût ce qu'en sourdine, ce que je fais spontanément depuis que je suis jeune, avant même d'avoir été conscient du phénomène.

C'est fatigant, épuisant, mais puisque cela se passe ainsi, c'est que cela correspond à quelque chose. Je cherche ...
Il paraît que cette "musique dans la tête" est une des caractéristiques fréquentes chez certains atypiques. Peut-être, mais quoi qu'il en soit, je cherche ...


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