François Calay

Hôpital ... universitaire ?

L'ancien hôpital ...

En 1982/83, je fus hospitalisé de longs mois dans un hôpital universitaire, vétuste, mais probablement un des rares de la région qui soit connaisseur en brûlures et greffes de peau, en tous cas le seul à posséder le lit spécial "fluidisé" (microbilles sous pression) nécessaire à un grand brûlé.

J'avais été particulièrement traumatisé par un personnel soignant dominant, parfois exagérément fier, voire prétentieux, qui considérait le malade comme un objet intéressant.

Du côté des infirmières, il s'y trouvait nombre de femmes au caractère rustre, dominatrices, je me suis d'ailleurs souvent demandé si une grande partie d'entre elles n'était pas de tempérament "sadique", dans le sens le plus vicieux du terme.
Quelques-unes, heureusement, étaient animées d'un grand sens humain, proches, voire tendres, mais elles ne faisaient pas le poids (même au premier sens du terme) pour contrebalancer l'humiliation infligées par les autres.

Du côté des médecins, il y avait les ainés qui possédaient le savoir, et dont je remercie certains de m'avoir sauvé la vie, mais ils étaient entourés d'une ribambelle de plus jeunes, étudiants, assistants, prétendants au poste (!), souvent plus incompétents que profondément méchants. Malheureusement, quasiment tous se montraient arrivistes et prétentieux. Mais heureusement aussi, ils étaient animés d'un désir de lutter contre la mort qui rejoignait ma fureur de vivre, et certains étaient intellectuellement intéressants à rencontrer.

La véritable humanité, je l'ai rencontrée auprès des kinésithérapeutes. Branche assez nouvelle de la médecine de l'époque, elle était constituée d'aventuriers de l'ouverture médicale, assez dynamiques et au tonus sportif, intéressés par la rencontre et la revalidation de la personne humaine, pas prétentieux et très proches. Heureusement qu'ils ont été là.

Un malade a tout autant besoin d'humanité et de réconfort affectif, que de médicaments !

Plus jamais !

En sortant de cet hôpital, j'étais profondément traumatisé par cette épreuve humaine désolante, et je ne sais quelle intuition m'a fait rechercher d'autres lieux pour mes hospitalisations suivantes (car j'ai été hospitalisé plus de dix fois entre 1983 et 2009).
Certains établissements hospitaliers sont vraiment remarquables, d'autres sont plus moyens, et quelques-uns restent largement à la traîne. Parfois, il existe une très grande inégalité au sein d'un établissement lui-même.
Par contre, je ne fais plus beaucoup d'illusions en ce qui concerne la valeur d'un établissement par rapport avec ses titres, et je suis devenu très sceptique face aux mots "universitaire", "professeur", "chercheur", "appareillage ultra moderne", etc.

Le même hôpital, 27 ans plus tard ...

En décembre 2009, j'ai été ré-hospitalisé une semaine dans l'hôpital dont question ci-dessus.
Les bâtiments, entièrement neufs, se trouvent maintenant dans le campus universitaire à l'écart de la ville.
J'étais intrigué de découvrir les avancées médicales d'un hôpital de haut niveau, par rapport aux petits hôpitaux que j'avais fréquenté depuis 1983.
J'y suis allé avec une certaine méfiance, car l'hôpital en question souffre d'une assez mauvaise réputation dans la région ... ce qui n'empêche d'ailleurs pas des milliers de personnes d'aller s'y faire soigner ...

La première chose qui frappe, c'est l'accueil pour l'hospitalisation. Les bâtiments ne semblent pas conçus pour recevoir des malades impotents : impossibilité de stationner aux abords de l'entrée, trop grande étendue architecturale à traverser, aucun accompagnement réel de prise en charge, difficulté de s'y retrouver dans le bâtiment.

Le parking réservé aux handicapés est d'ailleurs rempli de véhicules n'y ayant pas droit, car la barrière y est la majorité du temps ouverte, et rien n'est contrôlé.

Enfin, j'arrive au bon étage, dans le service d'hospitalisation. Quel n'est pas mon étonnement de voir les couloirs décorés de multiples chariots contenant du matériel médical, des couvertures, des accessoires divers. J'ai l'impression qu'il y eut un oubli à la construction : pas d'espaces de rangement. Incitation au vol, manque d'hygiène. Etonnant.
Quasiment toutes les portes des chambres sont ouvertes, mauvaise augure pour l'intimité, le bruit.

Puis, découverte de la chambre. Par la fenêtre, la vue sur la forêt est magnifique, mais la balustrade de la terrasse, d'un mètre dix de haut, en béton armé, m'empêche de voir quoi que ce soit lorsque je suis assis ou alité. Me voilà donc confiné dans du béton. Et le haut de la terrasse a été quadrillé d'une cloison semi-opaque en bois car il y avait trop de soleil dans les chambres durant l'été. A quoi servait-il alors de faire des fenêtres de plus de quatre mètres de haut (du sol au plafond) puisque qu'on ne voit rien ? Incompréhensible aléa de construction ou de conception. Quoi qu'il en soit, c'est désolant : je me croirais dans une prison.

Effectivement, les portes des chambres restent ouvertes en permanence, ce qui me permet d'entendre avec détail les soins prodigués aux différents voisins, car le personnel infirmier n'abuse pas de discrétion : cris, rires, ... dans les couloirs !
J'ai même observé deux infirmiers qui se parlaient d'une chambre à l'autre (de leurs vacances) tout en soignant les patients respectifs.

Je prends donc l'habitude de refermer la porte après chaque visite d'un membre du personnel ... avec le risque d'être effrayé par la brutalité avec laquelle certains l'ouvrent ... ça ne doit pas leur plaire. A quoi servent donc les portes ?

En moyenne, la porte de ma chambre s'ouvre et se ferme de 25 à 30 fois par jour : différentes personnes assurant chacune une tâche spécifique me gratifient de leur petite visite. Je me sens être un malade-robot, assisté par des soignants-robots. Quelle terrifiante spécialisation !

Exemple d'une matinée-type :
La première visite de la journée, qui réveille vers 7h15 ceux qui ont su (ou pu ?) dormir la nuit, c'est le thermomètre.
Suivie d'une autre qui mesure la glycémie, puis il y a celle qui prend la tension.
Ensuite, quelqu'un apporte les médicaments du matin, suivi par le déjeuner.
Puis on vient nettoyer (balai humide par terre et nettoyage du lavabo : 3 minutes).
Ensuite, deux personnes viennent faire le lit, suivies par une aide médicale qui s'inquiète de votre toilette journalière.
Puis quelqu'un vient reprendre le plateau du déjeuner.
Ensuite a lieu (les jours ouvrables) la visite d'un anesthésiste, qui s'occupe de la médication. Si l'on est vraiment chanceux, ce sera le même que celui qui est passé la veille ... sinon, c'est un jeune stagiaire, ou "assistant" qu'il faut mettre soi-même au courant de ce qui se passe, puisqu'il ne connaît pas les dossiers. Dans ce cas spécifique, la visite peut durer jusqu'à 3 minutes.
La visite suivante est inattendue et pas toujours agréable : prise de sang, service administratif, etc.
Puis c'est au tour d'un chirurgien (parfois stagiaire, et/ou différent de la veille, et/ou pas au courant du dossier), entouré de l'infirmière chef de salle (ou d'une de ses nombreuses remplaçantes) qui se pavane littéralement à ses côtés : 2 à 3 minutes également.
Les jours "chanceux" (?), c'est le grand professeur, entouré d'une ribambelle de jeunes étudiants (jusqu'à 4), qui vient voir le 'cas'. Entre 40 et 50 secondes. Amusant, mais triste.
Puis glycémie d'avant le dîner, suivi des médicaments, suivi du dîner, etc., etc.

Le plus frustrant, voir insupportable, c'est le manque de communication : tout est segmentarisé au plus haut point, et il n'y a aucun dialogue avec personne. Le personnel médical n'entre et sort de ma chambre que pour y rester un nombre minimal de secondes, et pour effectuer un acte technique répétitif. Je n'existe pas en tant que personne humaine, ni même en tant que personne malade : on s'occupe techniquement de ma maladie, sans plus.

menu CHU
Le menu pittoresque accompagnant un repas.

Les erreurs médicales

Durant cette hospitalisation, il y eut de nombreuses erreurs. J'espère que je représente un cas isolé, car si tout le monde est traité de la sorte, il ne sert à rien d'avoir des appareillages hors de prix et une compétence technique hors pair : il vaudrait mieux s'occuper correctement du malade, voyez plutôt :

- erreur diététique au niveau des repas, il faudra attendre le sixième jour d'hospitalisation pour qu'elle soit corrigée ;
- erreurs récurrentes ou aléatoires au niveau des médicaments donnés ;
- je commence une crise d'hypoglycémie en présence d'une infirmière qui quitte ma chambre en me disant que je devrais boire quelque chose de très sucré, sans se préoccuper de la crise ni même apporter quelque chose à boire ;
- j'appelle l'infirmière de nuit car je fais une fibrillation auriculaire, celle-ci me dit qu'il faudrait pour cela m'hospitaliser en cardiologie, mais qu'il faut éviter d'appeler le médecin de garde car il se trouve à un autre étage et met beaucoup de temps pour venir. Elle quitte alors ma chambre et je ne la revois plus. L'anesthésiste à qui je raconte ce récit le lendemain matin, ne prendra ni mon pouls, ni ma tension. Pas d'électrocardiogramme non plus ... heureusement que je ne faisais pas quelques torsades de pointe !

J'en ai donc déduit le comportement suivant; nécessaire pour la survie dans l'hôpital en question :

Ce qui est interdit ou impossible :
- parler au personnel
- suggérer quoi que ce soit
- poser des questions
- dormir correctement, même la nuit

Ce qui est permis :
- avoir mal
- déranger les voisins
- recevoir des visites en dehors des heures

Ce qui est obligatoire :
- être soumis
- se laisser humilier sans broncher
- prendre tous les médicaments donnés, même s'ils ne sont pas nécessaires ou ne conviennent pas.

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"Home, sweet home"
Proverbe anglais

"Oost, west, thuis best"
Proverbe néerlandais

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