François Calay

Trois mois d'enfer : le sevrage sec du Fentanyl

durogesicJ'ai réussi dans ma vie plusieurs sevrages secs de différents médicaments (que je n'ai jamais repris), mais j'ai vécu, début 2015, celui qui, de loin, fut le plus dur et le plus long : celui du FENTANYL (patches de Durogesic, ou Matrifen). Il s'agit de la morphine synthétique du niveau le plus fort actuel.

Je me patchais au Fentalyl 50, 75 ou 100 depuis plusieurs années (un patch renouvelé tous les trois jours), mais j'avais aussi pris l'habitude illicite durant les derniers mois, de mâcher des patches supplémentaires, ce qui peut très facilement provoquer l'overdose. Voyez la fin de la page, ce n'est pas à faire !
Mes doses étaient donc très fortes, de l'ordre de ce qu'on donne aux cancéreux en phase terminale : l'équivalent de 400 mg de morphine orale par jour.
Comme me disait un médecin : "Vous allez faire quelque chose de très rare, car les gens à qui on donne de telles doses, meurent habituellement dans les mois qui suivent, on ne les sèvre donc jamais !".

Mais bon, je ne suis pas cancéreux, et j'ai envie de retrouver ma vigueur naturelle : je ne désire plus continuer à prendre ce produit qui ne m'est pas adapté, d'où la nécessité de ce qui va suivre ... et qui n'est pas une partie de plaisir !

Pourquoi la morphine ?
Au départ, je prenais ces patches pour des raisons médicales, car je suis criblé d'arthrose, de polyneuropathie, et de plein d'autres douleurs : cela fonctionne et me permettait une vie confortable.
Le hic, c'est que ce type de produit ne convient pas pour les douleurs à long terme (pas plus de six mois), et finalement il aiguise les douleurs, les médecins appellent cela l'hyperalgie : plus on en prend, plus on a mal !

C'est alors qu'on augmente fortement les doses, et que la fonction "récréative" d'apaisement psychique reste la seule motivante : la douleur est bien là, terrible parfois, mais la morphine donne un sentiment de douce euphorie, qui permet de supporter douleurs, contrariétés, et difficultés. C'est l'addiction dans laquelle on peut facilement tomber, et que je ne souhaite à personne.

Ma méthode
La bonne nouvelle, c'est que le sevrage du fentanyl est normalement sans danger médical, mais la mauvaise, c'est qu'il nécessite une volonté et un accrochage de fer. Il est essentiel de le savoir à l'avance, et de bien se préparer avant de s'y lancer.

Avant de commencer, je n'ai pas pu trouver d'informations suffisantes concernant ce sevrage, excepté sur d'épars forums internet aux USA, où la majorité des gens n'arrivent d'ailleurs pas à le faire en une étape.
Je n'en soupçonnais donc pas ... la longueur et les affres, mais j'étais au moins informé sur les effets physiques et psychiques qui m'attendaient.
Je rédige donc cette page pour encourager d'autres personnes à le faire, c'est possible puisque j'y suis arrivé ... mais cela peut également vous éclairer à ne pas le faire de la même manière, en utilisant un autre système moins radical.

Après plusieurs mois de préparation et de thérapie, j'ai donc un soir brûlé tout ce qu'il me restait comme médicaments morphiniques dans le poêle à bois, incluant mon dernier patch vieux de trois jours ... et je suis entré dans la grande abstinence du sevrage sec, "cold turkey" comme l'appellent les narcoticomanes ayant connu certaines affres semblables pendant des sevrages secs de l'héroïne ou du LSD, bien plus fréquents dans les années 1970-80 que de nos jours.

Ma méthode, c'est de le faire sous sa forme totalement sèche : arrêt total du produit du jour au lendemain, sans aide médicamenteuse, ni substitutif, ni somnifère, ni benzodiazépine, ni neuroleptique, ni café, ni alcool, ni codéine, ni herbes, ni champignons, ni tabac, rien, sauf quelques vitamines B et D et un peu de fer, et ce, jusqu'au bout, quoi qu'il arrive !

Motivation et solitude !
La motivation à se lancer dans un tel sevrage doit venir de lieux très profonds en soi-même, car il ne faut attendre aucun encouragement extérieur, que du contraire ! Même écrire sur des forums peut être dangereux (je l'ai fait) : chacun des participants y réagit en fonction de sa petite expérience, de ses propres peurs et croyances !
Il n'y a pas besoin de s'encombrer des peurs des autres, lorsqu'on souffre de subsister dans un enfer, minute par minute, pendant plusieurs semaines.

Un sevrage comme celui-ci est donc une expérience de solitude, car très peu de gens s'y hasardent, et que pour être rejoint dans ce genre de souffrance, il faut rencontrer des gens qui ont vécu quelque chose de similaire. C'est uniquement dans les groupes Narcotiques Anonymes que j'ai rencontré jusqu'ici de tels individus, nulle part ailleurs.
Il faut donc pouvoir souffrir des commentaires et des jugements inadaptés. C'est un véritable pèlerinage personnel.

Et l'âge ?
C'est un facteur qui semble important, même si c'est très peu documenté : plus on est jeune, plus c'est facile. Un organisme jeune se régénère beaucoup plus vite. Donc un sevrage identique pourrait être plus court et moins difficile chez une personne plus jeune.
L'expérience relatée ici, je l'ai faite à l'âge de 59 ans, ce qui est fort âgé pour de telles aventures, mais présente l'avantage d'une maturité et d'une expérience de vie certaine.
De plus, ma génération fut la dernière à connaître les pensionnats sévères, le service militaire obligatoire, la peur de l'autorité, et bien d'autres choses difficiles. Cela nous a forgé une capacité d'humiliation, un sens de la loyauté, et une force de volonté certaine, éléments qui semblent bien absents de l'air du temps actuel, mais qui sont essentiels pour la réussite d'un sevrage aussi exigeant.

patch durogesicJ'y suis arrivé, sans doute car j'ai des expériences passées de sevrages secs réussis, mais aussi j'ai travaillé mon acceptation de la souffrance, l'exercice de ma volonté, l'évitement de la rechute, ma loyauté dans la démarche, et je suis aidé par un sens de l'honneur que je possède vis-à-vis de moi-même et qui m'a été familialement transmis.

Sur les forums, j'ai lu de nombreux témoignages de gens qui craquaient, principalement vers le cinquième ou vers le dixième jour, tellement le ressenti est insupportable, ce que je confirme largement, ... sans même savoir que même le dixième jour, on n'est pas loin, car pour moi, cela duré ... TROIS MOIS D'ENFER !

Alors, mon sevrage ?
Sec ? Oui, quoi qu'il arrive, et jusqu'au bout, c'est dans mon tempérament, je suis comme ça, je ne sais d'ailleurs fonctionner que comme ça.
Mais je ne suis pas kamikaze, et je mets en place un contrôle médical sérieux : supervision par médecin traitant et par médecin psychiatre. J'essaie aussi de m'inscrire dans un service d'accompagnement psychiatrique à domicile, qui met quatre mois à se mettre en place dans l'état d'urgence, bravo les fonctionnaires, et qui finalement, ne viendra jamais.

Parallèlement j'ai été trouver mon amie la pharmacienne, et mes amis les médecins prescripteurs, pour leur demander de me bloquer l'accès à la morphine. Courageux ? Sans doute, mais essentiel !

Je me suis même fait hospitaliser : je croyais que cela serait plus facile en hôpital car je craignais éventuellement passer par différentes crises de manque, de colère, ou de délire. Rien de tout ça !
Le septième jour, j'ai quitté, en accord avec le médecin psychiatre-chef, le service de sevrage de l'hôpital. Là, j'étais entouré d'une vingtaine d'alcooliques et de quelques drogués de rue, attachants mais pleins de souffrances ou de travers psychiques, qui buvaient des litres de café par jour (y compris pour certains un peu d'alcool en cachette), fumaient du tabac comme des cheminées, essayaient de reconstruire (ou de découvrir) leur personnalité, et tapaient parfois sur les murs ...

Pour moi, ce fut mieux adapté d'être à la maison : je peux y trouver des activités qui diminuent l'angoisse, je suis dans un lieu sécurisant et calme, je peux déambuler lorsque les nuits sont sans repos, je suis entouré de mes bien-aimés, de mes hobbies, de mes passions, des odeurs et des couleurs que j'aime, d'un silence bienfaisant, bercé par mes musiques préférées, avec possibilité de regarder un film quelle que soit l'heure, recevoir des visites, aller voir mes amis lorsque l'état l'a rendu possible, etc.

Ce sevrage à la limite de l'impossible nécessitait un maximum de "confort" en vue de sa réussite : il m'a mis complètement hors du temps pendant plusieurs semaines, l'insomnie a été souvent totale, j'ai dû alors improviser des occupations motivantes et pas complexes 24h/24. Vivre ce genre de chose n'est pas adapté à un contexte d'hôpital : " Home sweet home", quand on a le bonheur de l'avoir ... !

Pourquoi totalement sec ?

En fait, habituellement, surtout en hôpital, ce type de sevrage, même dit "sec", se fait soit :
- 1 - sous benzodiazépines (Temesta, Valium, etc.), dont je suis totalement abstinent depuis plusieurs années. En aucun cas je ne puis prendre ces produits dont je suis hautement addictif et desquels un sevrage progressif à l'époque fut un enfer de plusieurs mois.

- 2 - sous neuroleptiques (Lyrica, Dominal, Gabapentine, etc.) desquels je suis profondément allergique, ces médicaments me dissocient le cerveau et rendent les choses infernales. J'ai connu cela durant un sevrage morphinique il y a pas mal d'années, où une gentille psychiatre me prescrivait l'un après l'autre chacun de ces médicaments pour essayer d'alléger ma souffrance, et j'en étais arrivé à ne plus savoir beurrer une tartine !

- 3 - sous Méthadone ou autre substitutif (Subutex par exemple) : En lisant les forums et les avis médicaux sur cette substitution, et en parlant avec certains qui l'ont connue, je me suis rendu compte qu'il s'agit d'un élégant changement de comptoir, car la Méthadone est épouvantable à sevrer, elle nécessite un sevrage hyper progressif (toujours pour éviter de souffrir ?) étalé sur deux ans ... ou un sevrage sec de 40 jours de souffrance, très semblable à celui du Fentanyl !
Cette proposition de Méthadone m'a été faite mais ne m'intéresse pas. Je ne désire pas entrer dans une autre dépendance, surtout si elle dure des années ! Ce procédé convient sans doute mieux à un drogué révolté de rue né en 1990 qu'à un accidenté tel que moi, né en 1956, survivant à mes brûlures et leurs complications depuis mon accident mortel de 1982.
La Méthadone, c’est une réponse médicale pour tenter de répondre à la tendance sociétaire actuelle d'éviter toute souffrance physique ou morale : encourager tout addictif à remplacer son produit frelaté "de rue" par un produit "médical de substitution". Ce médicament peu toxique donne à son consommateur des effets psychiques bienfaisants très semblables à ceux qu'il cherche dans son produit. Mais cela permet surtout, et c'est très positif, de le contrôler médicalement puisqu'il vient chercher ses ordonnances, de lui éviter les déboires des dealers de rue, les produits frelatés, le matériel douteux, et d'éviter qu'il ne devienne voleur ou casseur par besoin financier, car la Méthadone, elle, est remboursée par la Sécurité Sociale. Cela a un coût mais protège très bien la société, et beaucoup de consommateurs semblent ravis. Certains pourtant la combinent avec leurs produits pour des effets plus forts, mais cela semble échapper à ceux qui la prescrivent.

- 4 - sous anesthésie, en administrant durant 72 heures des doses massives d'antidote (Naloxone) : une manière moderne et rapide de sevrer quelqu’un mais en violentant son corps. Il se réveille trois jours plus tard sans être conscient d'avoir vécu un sevrage ... et va passer les mois suivants à essayer de compenser ses manques. Où est le travail d'éducation à la volonté pour éviter la rechute ? Où est le temps nécessaire pour modifier certaines souffrances et mettre en place des stratégies de vie mieux adaptées ?

=> D’où mon choix personnel : faire ce sevrage à la dure, sans aucune aide médicamenteuse, et aller jusqu'au bout, quoiqu'il arrive. Certains me prennent pour un fou, d'autres pour un sado-maso, d'autres pour un dinosaure, d'autres pour un être très courageux. Mais qu'importe ce que pensent les autres !
D'après beaucoup de psychanalystes, ma méthode est excellente, voire la meilleure, car ils considèrent que le sujet doit s'auto-flageller de ses excès, il doit réussir une transition courageuse exceptionnelle, etc.
Je ne vais pas développer cela ici, mais j'ai de la sympathie pour ces concepts, surtout s'ils sont Jungiens ou Lacaniens : tout cela m'est très proche, faut-il le dire.

Pourquoi ne pas avoir diminué progressivement ?
Cela, j'en suis incapable. Quand je suis en possession d'un produit aussi bienfaisant, je le consomme plutôt abondamment.
Je suis écorché par mon accident, je subsiste depuis dans une vie de souffrance physique grâce à une forte résilience.
Malheureusement, tout cela a forgé en moi un tempérament addictif.
Je n'ai pas envie de ce type de diminution programmée : l'effort de volonté et le risque de rechute sont pour moi trop grands lorsque je suis en possession du produit. Le produit doit disparaître de mon environnement, c'est essentiel pour réussir le sevrage, et par la suite pour éviter la rechute !

Je sais aussi d'expérience personnelle, que chacun de mes sevrages a été un véritable tremplin de résilience, car ils représentent :
- d'une part une exceptionnelle éducation à la volonté : me sevrer de cette manière me protège de reconsommer ... pour moi, ne pas rechuter dans un produit, c'est une épreuve que seule ma volonté profonde peut gérer, et la volonté, ça s'apprend !
- d'autre part un lent retour aux sensations du corps, émotions, bien-être naturel, tout se retrouve en quelques mois. J'estime essentiel d'avoir un retour aux ressentis normaux qui se fasse lentement et en douceur, en faisant confiance à l'intelligence du corps pour le laisser se reconstituer à son rythme.

Comment ça s'est passé ?enfer fentanyl
Les différents symptômes que j'ai traversé sont :

- dégoût puis perte des goûts et des odeurs
- anorexie quasi totale
- photophobie
- hyperacousie
- état d'angoisses diffuses ou flottantes
- nuits blanches
- yeux et nez qui coulent
- jambes et bras, voire tout le corps, sans repos
- sensation d'électricité froide dans la tête et le corps
- tensions et décharges musculaires incessantes
- chutes de tension artérielle
- sudations nocturnes
- pertes totales d'énergie (très traumatisant)
- incapacité de concentration
- boulimie ingérable
- émotions inexistantes
- ressentis corporels modifiés
- dépression respiratoire
- impatience électrique psychique
- aucune forme de bien-être
- ...

Et les douleurs ?
Durant le premier mois du sevrage, les douleurs qui m'avaient amené à prendre autant de morphine, ont totalement disparu. Bien sûr, cela faisait partie d'une réaction globale du corps, qui était totalement déréglé. Mais bien franchement, aussi bien les médecins que moi-même, nous attendions un "retour en force" de la douleur vers le dixième jour !

Au début du sevrage, certains médecins s'inquiétaient et m'avaient demandé : "avec vos blessures physiques étendues, comment vivrez-vous sans morphine ?". Je leur répondais : "Je ne sais pas, mais je sais vivre sans morphine, je l'ai fait durant des décennies, et j'ai envie de réessayer" ...

Après un mois, avec le lent retour des émotions, dont l'inquiétude, la question s'est posée : et si ces douleurs n'existaient quasi plus ? Quelle est la part de mes douleurs réelles actuelles ?
Les endorphines naturelles n'étaient pas encore rétablies, mon corps était encore très difficile à porter, et malgré cela, je n'avais quasi pas de douleurs !
C'était très perturbant : je me rappelle que, jadis, le sevrage du Fortal, ainsi que celui du Tramadol, m'avaient plongé dans une douleur physique généralisée entre le dixième et le vingtième jour, temps nécessaire pour que les endorphines naturelles commencent à se rétablir. Rien de semblable dans ce sevrage-ci, bizarre !

Au fur et à mesure des semaines suivantes, la douleur va se faire entendre à nouveau. Mais elle restera supportable et identique, voire plus faible, que celle que j'avais il y a bien des années. Je peux vivre sans morphinique, en subsistant facilement avec du paracétamol et de l'aspirine.
Je confirme donc l'hyperalgésie provoquée par la prise de morphine à long terme : dans le passé, plus je prenais de morphine, plus j'avais mal ... c'est le monde à l'envers !

Et émotionnellement ?
Ce fut un sevrage émotionnellement totalement sec durant le premier mois, car tous les ressentis d'émotions avaient disparu : pas de peurs, pas de joie, pas de tristesse, pas d'inquiétude, pas d'impatience (heureusement !), pas de désir, pas de réjouissance, un état tout à fait bizarre.
Affectivement, je ressentais bien les sentiments, j'aimais mes bien-aimés, et j'étais très calme et apaisé, en ce sens c'est une expérience quasi formidable !
J'ai eu 100% de ma conscience du premier au dernier jour, je n'étais pas diminué par rapport aux états de conscience.

L'horreur à traverser, c'est cette sensation du cerveau d'être de travers, comme dans une essoreuse, ainsi que le corps dont tout le système est déréglé. Il a fallu adapter chaque moment, pour avoir un petit projet de survie dans le moins d'inconfort possible.
Le pire fut 24h/24 durant la deuxième semaine, puis encore la majorité du temps jusqu'à la fin de la troisième semaine, où j'ai été plongé dans un ETAT psychique et physique d'enfer indescriptible, c'est très bizarre, et rend ce sevrage surréaliste.
Mais émotionnellement, jusqu'à la fin du sevrage, tout s'est passé de manière très calme, intérieurement et extérieurement.

Aucun de mes autres sevrages ne s'était passé comme celui-ci : les sevrages physiques avaient été beaucoup plus courts et faciles (maximum dix jours), mais avaient été suivis de plusieurs semaines de déstabilisation psychique.

Et la peur ?
L’absence de peur m'apparaît être une composante essentielle à la réussite !
Peur de quoi ? ... peur de souffrir, peur de ce qui va se passer, des états décalés du sevrage, des inconforts psychiques et physiques. Mais aussi : peur de la douleur psychique et morale, peur d’un état nouveau, peur de la suite, de la rechute, etc.

Le confort c'est qu'elle fut totalement absente durant le premier mois en tous cas, puisque je ne ressentais plus les émotions.
Par la suite, quand la peur réapparut, c'est par la volonté, le courage, et l'expérience, qu'il a fallu la sublimer.

Et la conduite automobile ?
Dès le milieu de la deuxième semaine, j'ai utilisé quotidiennement ma voiture, surtout sur autoroute. Les réflexes étaient excellents, bien meilleurs que lorsque j'étais sous morphine. J'ai même été suivre un cours de maîtrise de pilotage sur circuit à la fin de la troisième semaine, qui s'est très bien passé.

Mais le danger est grand : l'absence totale d'émotions (pas de peurs !) m'amenait à rouler à des vitesses totalement excessives, aussi bien sur petites routes que sur autoroute.
Alors je me protégeais en utilisant un iCoyote qui passe au rouge, ainsi que mon cruise control, pour me maintenir au mieux dans le raisonnable des limitations, sinon j'avais tendance à rouler partout à fond, et comme j'ai un véhicule puissant, ça a souvent été très vite (quelquefois au dessus de 200 km/h, sur les "Autobahn" d'Allemagne bien entendu ;-) !
... sans doute dans cet état-ci serais-je totalement efficace sur un circuit automobile. Les pilotes seraient-ils constamment dans une carence émotionnelle ?

Heureusement, vers la fin du premier mois, la conscience de la peur et d'autres émotions ont ramené de l'ordre dans l'accélérateur, et je recommençai alors à nouveau à conduire comme un papy, souvent aux limitations légales, faut-il le dire, qui sont bassement surréalistes !

Et les Narcotiques Anonymes ?
J'y suis allé en réunion la troisième semaine, cela m'a fait un bien fou de voir un groupe de personnes abstinentes et heureuses : des yeux éveillés, des regards patients, pleins d'humilité, de sagesse, et des coeurs pleins de force intérieure.
L'abstinence chez les NA est totale, et cela correspond parfaitement à ma démarche : pas de substitut, pas de médicaments psychoactifs, pas d'alcool, etc.

Les membres du groupe sont quasi tous passés par un sevrage sec, qu'ils appellent le "tunnel", et qui a duré pour certains jusqu'à une quarantaine de jours.
Puis, quelle magnifique philosophie de vie, basée sur la bonne volonté, la patience, l'humilité, le pardon, le détachement : tous principes spirituels bien profonds et ô combien nécessaires à l'âme.
J'ai déjà fréquenté ce groupe NA dans un passé lointain, le problème pour moi c'est l'accès pratique aux réunions (lieu en ville dangereux le soir, même jour que ma répétition de musique, etc.).

Conclusion
Ce sevrage fut pour moi un ENFER DE PLUS DE TROIS MOIS. Je ne le souhaite à personne, mais IL EST FAISABLE par des personnes ayant vécu au moins une expérience précédente réussie d'un, voire plusieurs sevrages difficiles.
Il nécessite un environnement confortable et équilibré, un entourage affectueux, un tempérament volontaire et exercé, et surtout une détermination sans pareil. Peut-être aussi nécessite-t-il un certain âge et un certain état d'esprit, car souffrir n'est pas dans l'air du temps actuel, à moins qu'il soit réservé à quelques atypiques, qui sait ?

Il n'est, et je confirme cela par mon expérience, pas médicalement dangereux pour quelqu'un en bonne santé : pas de delirium, pas de crises d'épilepsie, pas de colères, pas de cauchemars, pas d'hallucinations, pas de diminution de conscience, pas de souffrances affectives, etc. comme j'en ai connu jadis durant le sevrage de certains autres produits.

CE SEVRAGE EST TRES DUR ET TRES LONG car le recouvrement du corps et de l'esprit est très lent après de telles doses de ce fameux produit 400 fois plus fort que la morphine ...) donc ... courage, lecteur, si tu fais de même : tout ira mieux dans quelques jours, ou quelques semaines ... et après, on est totalement libéré : il faudra se protéger de la rechute, mais cela c'est l'aventure suivante ... ;-)

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fentanyl dangerMises en garde sur l'utilisation du Fentanyl.

1 - Tout d'abord,
mâcher des patches, cela donne de beaux effets flash d'invincibilité, mais ce n'est pas à faire, car cela mène, surtout les premiers mois, à des overdoses terribles avec dépression respiratoire potentiellement mortelle. J'en ai fait plusieurs et cela m'a même amené à me procurer l'antidote, à savoir de la Naloxone avec laquelle je me piquais immédiatement dans un muscle de la jambe lorsque je sentais arriver la dépression respiratoire ... je ne souhaite cela à personne.
Le Fentanyl est un produit 400 fois plus fort que la morphine, bien efficace mais d'un danger d'overdose +++

2 - Autre chose : les patches de Durogesic officiellement ne se coupent pas, ils ne sont pas matriciels, et des overdoses mortelles peuvent survenir car quand on coupe le patch tout le liquide contenu peut rester concentré dans un seul des morceaux, j'ai connu ça quelques fois aussi ..., danger, à ne jamais faire. Par comparaison, les patches de Transtec (même genre de produit mais à ne jamais mélanger) sont matriciels, et se découpent à volonté. A savoir.

3 - Autre chose : quand on a très chaud (transpiration excessive ou sortie du bain par exemple) il ne faut pas être patché ni se patcher et attendre plusieurs heures car dans ce cas le patch se vide parfois (pas toujours) illico à cause de la chaleur, et c'est l'overdose inattendue ... une dizaine d'heures après ! ... danger, à ne jamais faire.

4- Ne jamais mélanger le fentanyl (Durogesic, Matrifen) avec un dérivé morphinique agoniste-antagoniste, tel la pentazocine (Fortal), la buprénorphine (Temgesic, Transtec), et la nalbuphine (Nubain). Cela donne lieu à une précipitation de symptômes de sevrage, quelque chose de réellement terrible. Malheureusement, même parmi le corps médical très peu en sont informés et c'est un enfer que j'ai connu aussi quelque fois, mais qui ne dure que quelques heures car on s'en rend compte très vite.

5- Ne pas en prendre plus de 3 à 6 mois, et exclusivement si on souffre physiquement beaucoup, de manière à le sevrer le plus facilement possible, et s'il faut un sevrage, le faire progressivement ... à moins d'avoir, comme c'est mon cas, un caractère volontaire aimant le défi de l'impossible, et d'être de la génération de la guerre du Vietnam ;-)

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